Lire, voir, entendre s'arrête aujourd'hui. Merci à ses visiteurs, lecteurs et commentateurs. Bonne route à toutes et tous !
dimanche 23 novembre 2008
This is the end
Lire, voir, entendre s'arrête aujourd'hui. Merci à ses visiteurs, lecteurs et commentateurs. Bonne route à toutes et tous !
mardi 18 novembre 2008
"La lamentation du prépuce" de Shalom Auslander - Editions Belfond
Shalom, embourgeoisé new yorkais, aujourd’hui journaliste émérite, écrivain reconnu, est dans l’attente de devenir jeune papa. Un bonheur, souvent, pour qui savoure ces moments d’une descendance assurée. Pas pour lui qui a quelques comptes à régler avec… Dieu, sa famille, son enfance. Un prétexte rêvé pour s’adonner aux retours sur soi, sur sa vie de petit garçon, d’ado, de jeune adulte, d’homme marié et d’adulte hypocondriaque du Tout-Puissant. Car Shalom a tenté longtemps de bien tenir son rang de jeune juif obéissant et concentré sur les contraintes souvent mal assumées d’une religion omniprésente. Mais peine perdu, en impie, il sombrera corps et âme au grand dam de ses parents : il s’intéressera aux filles surtout si elles ne sont pas vêtues, mangera pas cachère, mentira, volera… De quoi déambuler drôlement dans une vie d’homme.
On apprend ici trois milliards (allez, quatre…) de choses sur la religion juive et l’on s’y perd un peu (bravo tout de même au traducteur, Bernard Cohen) face à ses exigences et autres préceptes. Les situations sont convenues et l’histoire banale, le seul Salut du livre reposant franchement sur l’humour, la vision cataclysmique et narquoise du traumatisme religieux ainsi que sur l’inexorable sentiment d’une épée de Damoclès divine suspendue au-dessus de la tête et de la vie de Shalom. L’auteur s’adresse, hèle, interpelle, hurle et insulte directement Dieu au gré des obstacles de son existence peut-être pas si romancée que cela, au final.
Pas religieux pour deux sous, j’ai eu beaucoup de mal à comprendre cette emprise, ce poids insurmontable d’une vie qui se veut dès son origine toute tracée. A la recherche et au combat de sa propre liberté, Shalom Auslander bricole sa vie comme il peut, en marge des convenances qui devraient le guider. Un sentiment pour ce livre qui commence par wouh et qui finit par bof.
mercredi 12 novembre 2008
"Le cimetière des poupées" de Mazarine Pingeot - Editions Julliard
Infanticide. Votre mot, clinique, juridique, il ne m’est rien, ne décrit aucune réalité que j’ai vécue, ne concerne que vous, et mon deuil est infini quand le vôtre ne peut pas même commencer. En moi il vivra toujours, pour vous il ne vivra jamais, et c’est mon privilège, mon unique privilège, que vous ne m’enlèverez pas.
mardi 4 novembre 2008
"Le coup du sombrero" de Marc Villard - Editions L'Atalante
Car ce recueil de nouvelles signé Marc Villard a pour thème central le sport-roi du monde, l’incontournable sujet professionnel de prédilection du lundi autour de la machine à café. Mais là, place le plus souvent à la nostalgie. Au football des champs, à celui de l’enfance où tout jeune minot, Marc Villard était l’être le plus dispensable du monde sur un terrain de football. On retrouve là une série de saynètes très courtes qui nous font voyager dans les années 50 où sévissaient en toile de fond les Kopa et autre Piantoni du Grand Reims, mais aussi dans le football des années 80, avec ses similis stars qui font remonter quelques souvenirs émus au quadra que je suis. Manifestement, Villard se réapproprie sa mémoire, son enfance en province, pour poser un regard parfois assez dur sur cet univers d’hommes dans lequel on croise des petites frappes prêtes pour LE braquage, les curés-entraineurs, les supporters trop concernés, le racisme ambiant, les filles, l’adultère, les faux espoirs et ces matches du dimanche qui font l’événement dans toutes les villes de l’hexagone.
C’est avec une certaine virtuosité et un humour de connivence que Marc Villard dépeint cette micro-société de la secte football. On prend plaisir à lire la justesse et la noirceur de ses différentes histoires mettant en scène quelques imbéciles. Et on prend plaisir, aussi, à se remémorer fébrilement les victoires et les défaites, les copains et quelques errements coupables. Parce que l’histoire de ce football-là, c’est un peu la mienne.
Le site de l'auteur : là
mardi 28 octobre 2008
"Le Messager" de Eric Bénier-Bürckel - Editions L'Esprit des Péninsules
Et on n’est pas déçu lorsque l’on s’attend ici à de l’ardu. Sans véritable trame lisible, l’auteur s’approprie à la fois les modes du conte et du glauque en mettant en scène un être indistinct, le Mollusque, qui passera les 219 pages du livres à traverser des contrées qui n’existent pas. Emportant avec lui des piles de livres sous chaque bras, la bestiole déambulera dans un univers fictif, entouré d’arbres, de sable, d’ennemis gluants et/ou sales. Mélange de moisi et de pourritures, ce cheminement se pare des atours du voyage initiatique, mêlant pustules, vomi, viols, corps déchiquetés, terreur sourde et oiseaux de malheur. Dans cette écriture totalement maîtrisée, implacable, qui confine à la logorrhée, on étouffe de sentiments poisseux, on glisse résolument sur la pente de l’enfer avec l’indélicatesse d’un doigt d’honneur aux convenances. On oublie les maisons trop bien tenues, l’amour, les sourires, la joie, place à la fureur, à l’infamie et au dégoût de tout. Eric Bénier-Burckel n’a pas son pareil pour déconsidérer le monde avec son écriture exigeante, pour stigmatiser nos laideurs, pour pointer du doigt la fin du monde. A nous lecteurs, de suivre péniblement la route tracée de cette profonde méditation sur la place du livre dans le monde contemporain nous dit l’éditeur sur la quatrième de couverture. Trop péniblement à mon goût.
Un monde à l’envers et ricanant, où flottaient des saletés impossibles à identifier, vivait dans les eaux noires de la mare, qui sentait l’ammoniac et la charogne, et penché en avant dans une attitude tenant autant de la force de l’inertie que de l’équilibre instable, l’air d’un épouvantail autour duquel les intempéries ont désagrégé la terre qui l’avait maintenu droit et intangible et qui à présent vacille dans un poudroiement de lumière glauque à la merci du premier souffle vagabond qui consommera sa ruine, il regarda longuement ce spectre de monde à la face de cadavre comme on regarde les ultimes convulsions d’un malade agonisant dans les draps moites et fétides de son lit de mort. Vous voyez ce que je veux dire ?
mardi 21 octobre 2008
"Le fait du prince" de Amélie Nothomb - Editions Albin Michel
Baptiste Bordave s’emmerde. Dans son travail, dans sa vie, dans son corps… Ces riens qui l’accablent et le réduisent au silence prostré, sans qu’il se rende tout à fait compte de sa capitulation d’homme. Le salut viendra, un jour, de la sonnerie de son interphone. De l’entrée d’Olaf Sildur dans son appartement et de l’effondrement de celui-ci alors qu’il cherchait à passer un coup de fil chez Baptiste afin de soit disant faire réparer sa voiture en panne. Ce cadavre-là, miraculeux, devient une exquise porte de sortie, le prétexte à une nouvelle vie et à l’échappatoire… Baptiste devient Olaf. Bordave se transforme en Sildur. Il s’empare de l’identité du visiteur d’un jour pour devenir un nouvel homme, riche, au mystérieux métier et heureux propriétaire d’une villa à Versailles dans laquelle vit celle qu’il surnommera Sigrid.
Amélie Nothomb fait ici fi de la vraisemblance, de la logique qui voudrait que les regrets et les remords taraudent l’humain. L’auteur nous entraîne au contraire dans une fable épicurienne ou se mêlent champagne et plaisir des instants à vivre. Maintenant. Tout de suite. De cet éloge de la paresse et du temps qui passe, il reste le plaisir grisant et parfois rare d’une bulle évanescente qui flotte dans l’air, portée par le bruissement léger d’un souffle protecteur. On y pense, on savoure l'instant de la lecture le sourire en coin, envieux, puis on oublie.
mardi 14 octobre 2008
"Dessous, c'est l'enfer" de Claire Castillon - Editions Fayard
Sur le mode famille je vous hais, Claire Castillon déballe l’histoire en ne nommant personne. Pas un prénom dans la famille, juste la Mère, le Père, la Grand-mère, le Grand-père, la Fille… L’histoire de générations qui se croisent sans se voir, sans se parler, sans s’aimer, dans cette indifférence crasse que la narratrice devenue écrivain dissèque impitoyablement. Faisant son œuvre, elle passe de l’un à l’autre des protagonistes sans empathie, avec le même regard en coin qui rend la lecture de Dessous, c’est l’enfer parfois usante, souvent pénible. Cette im-personnalisation des personnages pourrait rendre le propos universel, au lieu de cela il repousse le lecteur dans une posture froide, voire glaciale. On a souvent envie de passer quelques pages mine de rien, en se disant que le soleil brillera un peu, un peu plus loin. Mais non.
Cette infinie désolation, ainsi, nous ramène au désert émotionnel, à l’implacable morsure des vies mal vécues. Peut-être une rencontre, cet homme à la pomme d’Adam, pour respirer ? Pour jouir du temps présent ? Mais non. L’auteur s’adonne au déplaisir omniprésent, aux invectives et aux abandons même pas lâches, mais inhérents aux lourds soupirs du désespoir. Pas d’échappatoire, pas d’issue de secours, pas une chaleur humaine contre laquelle se blottir. Rien. Même pas une misère, le néant se déploie dans l’impasse. Le père et la petite s’installent sur le sable mouillé. Ils n’ont pas emporté de vêtements chauds. Le père retire sa chemise et couvre la petite. Elle pense alors que, si la mère était morte, tout irait mieux, on serait tristes, on saurait pourquoi, et on profiterait de la plage.
mardi 7 octobre 2008
"Après, Fred Chichin est mort" de Pascale Clarke - Editions du Seuil
Puis la Séparation. Après six ans de vie commune. Abandonnée comme une vieille chaussette, la narratrice trouve soudainement, miraculeusement, les mots (maux)… Pascale Clarke met enfin les tripes sur le comptoir, dérive dans les souvenirs, dans les objets d’un quotidien qui n’est plus. Dans ce nouvel espace qui devient le Vide, elle déambule groggy, martelant le néant alors que la vie continue de New York à Paris. De Paris à Cannes. On croyait nager mollement dans le superficiel et puis finalement, on découvre une femme qui pleure. Une histoire qui s’achève. Douloureuse. Comme toujours. Il aura juste fallu un peu patienter.
mardi 30 septembre 2008
"Le marché des amants" de Christine Angot - Editions de Seuil
Là-dedans, il y a Bruno et Christine. Un peu rappeur. Un peu écrivain. Un peu noir. Un peu blanche. Un peu les mauvais quartiers. Un peu les beaux… Un peu rien à faire ensemble. Et pourtant, c’est comme ça. Même si cela fait le désespoir de la bonne conscience, des ami(e)s, Bruno et Christine vivent leur histoire. Elle fait rarement semblant, Christine, elle pose ses questions et veut des réponses. Maintenant. Tout de suite. Sans attendre. Chiante. Invariablement. Bruno et Christine. On déroule la vie, la banale… des promenades, des nuits, des quelques soirées et de petits matins… On flâne. On s’arrête. On repart. On y croise Marc qui ne décide de rien. Christine passe de Bruno à Marc. De Marc à Bruno. Sans savoir. Sans être fixée. Départs et retrouvailles. Comme toujours. Elle dit qu’elle aime. Vraiment ? Il y a Charly, aussi. Le pote de Bruno. La trahison. Sans être fixée. Bruno et Christine. Marc. Et Charly. Le marché des amants. Pour.
mardi 23 septembre 2008
Prix SNCF du polar : Voie de garage pour Chainas
Si vous voulez découvrir l'univers d'Antoine Chainas, il est ici : http://zymansky.over-blog.com/
lundi 15 septembre 2008
"Qui comme Ulysse" de Georges Flipo - Editions Anne Carrière
Et bien au commencement, cela a failli mal finir. Dès la huitième ligne de la première nouvelle lorsque je lis il avait encore dans le regard le désespoir de l’enfant, et déjà la rage de l’adolescent. Un malheureux cliché qui s’évapore toutefois au gré des pages d’un recueil souvent malin qui navigue d’une écriture sobre et directe vers les troubles et l’inventivité. J’ai en effet beaucoup aimé la nouvelle Un éléphant de Pataya et l’errance coupable du narrateur qui voit surgir la noirceur de son âme à la vue de nymphettes thaïlandaises ou encore Confiteria ideal, bijou de mythomanie qui voit se réunir en un même lieu des danseurs de tango ayant une petite idée derrière la tête. J’ai été meurtri par L’Île Sainte-Absence et amusé par l’impitoyable caricature d’Une incartade qui met en scène un groupe de femmes mariées qui partent ensemble, sans maris et enfants, aux sports d’hiver. J’ai aussi salivé à la lecture de la nouvelle qui donne son nom au livre Qui comme Ulysse et compatis aux bredouillements bloguesques d’un gardien de phare dans La route de la soie.
Manifestement, Georges Flipo s’amuse. Il s’amuse à plomber l’ambiance et à mettre au net les travers de personnages très enclins à foncer dans des murs qu’ils pensent invisibles. Des personnages qui s’égarent, qui sont à leur propre recherche en regardant les autres, ceux qui vivent, même mal. Des personnages qui s’enfoncent peu à peu dans leurs propres méandres, qui s’ingénient à subir, le plus souvent. Comme tout un chacun. Qui comme Ulysse, le recueil, s’adresse aux Etres humains, en fait, là où le dénominateur commun s'invite sur le mode interrogatif, en filigrane : le voyage intérieur n’est-il pas le vrai voyage ?
mardi 9 septembre 2008
"Chaos calme" de Sandro Veronesi - Editions Grasset
Dans ce (long) roman, Varonesi scrute l’âme, la décortique pour s’adonner à la peinture acerbe et un brin longuette de nos errances, de nos oublis et de nos quelques convictions laissées sur le bord de la route. Lâchement. De ces monologues, comme de ses dialogues, surgissent quelques fulgurances nous rappelant que notre passage ici-bas est une lutte (parfois) inégale, (souvent) brutale, mais qu’elle laisse aussi (invariablement) la place au vide de l’existence lorsque l’on s’éloigne de l’Essentiel. L’auteur dresse le portrait d’une (in)humanité qui gagnerait sans doute à moins s’appesantir, parce que ces 505 pages (très) bavardes nous poussent inexorablement à sortir respirer de cette lecture étouffante.
mardi 2 septembre 2008
"Tonton Clarinette" de Nick Stone -Gallimard Série Noire
Le site de l'auteur : là
lundi 25 août 2008
"C'était François Mitterrand" de Jacques Attali - Editions Fayard
Car Jacques Attali fut pendant des années et des années le conseiller spécial de celui qui fut le chef de l’opposition avant de devenir président de la République… Ce sont donc près de vingt ans de lutte pour le Pouvoir et de Pouvoir lui-même qui sont scrutés par l’auteur placé de fait aux premières loges. De ce théâtre de vie, mélange de comédies et de tragédies, le lecteur s’installe (in)confortablement dans le fauteuil de l’Histoire, dans les arcanes de la décision, dans une géopolitique parfois compliquée… En somme, dans la complexité que revêt la plus haute fonction de l’Etat. On apprend et on s’étonne. Ce livre n’est pas simplement une longue photographie d’instants mémorables de fièvres et de déceptions, d’inquiétudes et d’enthousiasmes, de conflits et d’amitiés, de maladie et de résurrection, de dilemmes et de passages en force, de revanches et de points gagnants, c’est aussi le travail d’un homme en prise direct avec son pays. Cette flamme qui porte François Mitterrand.
De Droite ou de Gauche, adversaire farouche, admirateur fervent, quidam indifférent ou vaguement concerné, le lecteur se pose-là, dans les méandres de la Vie politique d’un président de la République dont Jacques Attali se fait à la fois l’avocat et l’admirateur mais aussi le critique et le déçu. De toutes ces années où il prit les notes précises de ce qui s’est dit et fait dans leur collaboration, dans l’idée de faire ce livre, l’auteur se souvient, tente la franchise et la clarté en évitant (peut-être) la mauvaise foi. Vingt ans d’histoire commune qui leur fit traverser la crise sociale, les guerres, le terrorisme, l’économie de marché et l’effondrement du mur de Berlin et de l’ex-URSS. Sans oublier la mise en avant franche et pudique de la vie intime de François Mitterrand (sa maladie, sa fille secrète) qui éclaire une fois encore les comportements d’un homme qui a profité de ce temps qui lui était, croyait-il, compté. De quoi laisser une trace indélébile dans l’Histoire. Avec un H majuscule cette fois.
jeudi 14 août 2008
"Haka" de Caryl Férey - Folio Policier
lundi 4 août 2008
"Un homme" de Philip Roth - Editions Gallimard
Philip Roth a ce génie-là. Il embarque les destins sous le bras pour un périple de simple humanité, chaotique, où l’être n’est qu’humain. Il y a dans ce livre une grâce clinique, il y a les arrogances de la pleine santé et les faiblesses de l’âge qui viennent à bout des rêves ensevelis sous les décombres d’un sable (é)mouvant. Il y aussi dans ce livre, l’irremplaçable, la vie que l’on ne mène qu’une seule et unique fois, sans la partie gratuite d’un retour possible. Les regrets s’amoncellent et les illusions se perdent alors que le mot fin s’écrit en filigrane. Mais perceptiblement. Parce qu’un jour il faudra que cela cesse. Avec ou sans amours. Inéluctablement.
A propos de Philip Roth, j’ai déjà parlé de son livre « Complot contre l’Amérique », ici
lundi 28 juillet 2008
"Jacques Daniel Nick Oussama" de Thomas Lelu - Editions Léo Scheer
Cette fois, dans ce très court... euh… roman, nous avons droit aux aventures iconoclastiques (quoi ça ne se dit pas ?) de Jacques Daniel, héros pragmatique et généralement serein qui toise les emmerdements avec la facilité et la débrouillardise d'un bûcheron bûcheronnant sur une compagnie d'oeufs à la coq. Parce que l'ami Jacques déprime dans son cyber-café qui l'emploie, il décide avec l'élue de son coeur et son chien Virgule, de prendre quelques vacances dans une île ensoleillée : la Guadeloupe. Mal lui en pris, puisque après s'être endormi dans les toilettes de l'avion, il se retrouve sur le tarmac de l'aéroport de… Kaboul (Afghanistan) : sa fiancé capturée par Oussama Ben Laden. Emprisonné par les Ricains, évadé puis à la recherche de sa belle, il croise Elvis Presley, Kurt Cobain et Claude François dans un concours de chant.
Jacques Daniel Nick Oussama est un grand n'importe quoi, alambiquement alambiqué. Barré à souhait, Thomas Lelu balance sa prose comme un peintre du dimanche, mais avec le style et la manière ; un smoking pimpant en guise de bleu de travail. Pour peu que l'on soit bien évidemment pleinement de l'aventure tendance pieds nickelés. Et puis en cherchant bien, vous trouverez le point commun entre Nicolas Cage et un gnou. Et entre Picasso et une huître. C’est déjà ça.
vendredi 18 juillet 2008
"Garden of love" de Marcus Malte - Editions Zulma
Marcus Malte a décidé de perdre le lecteur, pour son bien. Brossant une vie mal fichue, faite de silence, d'oubli, de conscience perdue, il soudoie la logique au profit de chausse-trappes où l'on se noie avec délectation. Le malin-plaisir de l'auteur à voyager dans le temps et l'espace offre aux chapitres une virtuosité bancales, des images et des atmosphères permettant à ses personnages de grandir peu à peu sous nos yeux conquis. On chasse le Double, on suit une pute, des soeurs, un criminel et des amours de jeunesse livides dans un désordre ordonné. Un style soigné, direct et une histoire maîtrisée de bout en bout justifie à eux seuls, sans peine, le voyage initiatique vers une aube peut-être apaisante, mais plus sûrement pesante. Un voyage en Première Classe.
vendredi 11 juillet 2008
"Entretiens avec Woody Allen" de Eric Lax - Editions Plon
On est loin, pourtant, du travail remarquable exercé en son temps par le réalisateur François Truffaut sur son collègue de chambrée Alfred Hitchcock. Un travail qui fascinait et passionnait par sa précision glaciale, film par film, dans un livre habilement (??) intitulé Hitchcock par Truffaut. Là, on assiste au contraire à une conversation où la chronologie est absente,malmenée pour mieux nous perdre et nous faire voyager au gré du vent de notre mémoire de cinéphile. On peut ainsi passer dans le même chapitre de Prends l'oseille et tire-toi, un de ses premiers films, à Scoop et même Le rêve de Cassandre, son dernier en date, sans coup férir... En s'attardant sur telle ou telle de ses oeuvres, Woody Allen en a généralement un souvenir imprécis... puisqu'il considère une fois le film réalisé et sorti en salle comme un objet du passé, révolu, sur lequel il est inutile de revenir. Dans ce contexte, Eric Lax a bien du mérite à tenter de tirer les vers du nez du réalisateur.
Au final, qu'apprend-t-on ? Que le Sieur Allen aime tourner à NY (sic), un peu à Londres, à Paris... Qu'il n'aime pas parler pendant les tournages au risque de passer pour un asocial (il choisit soigneusement ses acteurs, pourquoi devrait-il ensuite leur expliquer ce qu'ils savent déjà faire, justifie le réalisateur de Manhattan) ou qu'il préfère les moments où il conçoit et écrit ses histoires même s'il aurait tendance à vouloir regarder un match de basket à la télévision à la place... Rien de bien neuf sous le soleil Allenien, en somme. Pourtant, le charme de ce livre opère. Quelques anecdotes fourmillent et éclairent un peu plus sa façon de travailler. Insidieusement la petite voix reconnaissable entre toute du plus grand trouillard de la terre, nous initie, nous promène dans sa filmographie hors normes où se côtoient au mètre carré quantités de films miraculeux (Annie Hall, Zelig, Meurtre mystérieux à Manhattan, La rose pourpre du Caire, Crimes et délits, Hannah et ses soeurs, etc.) sur lesquels il consent à lever un coin de voile, tout de même.
Car même si les souvenirs sont parfois à la peine, Woody Allen transcende lui-même, sans concessions, les bémols qu'il attribue à ses films. Il nous convainc facilement, sans même le vouloir, sans trop en dire, que son cinéma et sa façon de l'appréhender n'appartiennent qu'à lui, loin des systèmes, loin des machines à faire des films à succès. En artisan. Entretiens avec Woody Allen a l'immense avantage de rassembler en une fois ce que dit partout le réalisateur depuis des années, et ce même si dans le livre on notera la présence à plusieurs reprises des mêmes questions accompagnant de fait... les mêmes réponses.
Woody Allen est un être à part qui fait des films à part, dont personne ne s'inspire, que personne ne copie. Le vieux Maître n'a pas de fils spirituel, pas de flambeau à transmettre. Une situation qui lui sied à ravir. Parce que presque maladivement, il s'ingénie à ne pas vouloir laisser de trace de son passage sur cette terre... Pourquoi les politiciens s'inquiètent-ils tant de leurs archives, de leurs bandes, de leur visage sur les timbres et les pièces de monnaie ? Quand dans une urne, c'est dur d'avoir l'air d'un président. Après lui le déluge en quelque sorte. Mais vive la pluie !
jeudi 3 juillet 2008
"Comment parler des livres que l'on a pas lus ?" de Pierre Bayard - Les Editions de Minuit
Alors, sans faux-fuyants, Pierre Bayard, qui pour chacun des livres qu’il cite précise s’il les a lu, pas lu, parcouru ou s’ils lui sont inconnus, s’appuie sur de multiples extraits d’ouvrages lui permettant de mettre en perspective chaque situation symptomatique, et chaque attitude révélatrice de la non-lecture. On retrouve ainsi notamment le discours savoureux de Paul Valéry à l’Académie française faisant l’éloge de son prédécesseur, Anatole France, qu’il n’a manifestement pas lu. C’est encore Umberto Ecco, avec son livre Le nom de la rose, qui fait parler son héros d’un livre qu’il n’a jamais vu mais qu’il connaît à travers ce qu’en disent les autres, ou c’est encore Montaigne qui parle de ses livres dont il ne se souvient même pas.
Dès lors, ces comportements de non-lecteur influent sur notre façon d’être, nos relations aux autres, parce que simplement ils donnent de nous une image tronquée, partielle, un enjeu de confrontation entre individus qu’il nous est parfois difficile de subir sans appréhensions. Pierre Bayard observe ainsi que ce n’est pas seulement un sentiment de honte, attaché à des situations de l’enfance, qui est en cause quand nous nous aventurons à parler de livres non lus, mais une menace plus grave, portant sur l’image que nous avons de nous-même et que nous donnons aux autres. En tentant de désamorcer, voire de découpler nos scrupules de non-lecture de cette image oppressante d’une culture sans faille, transmise et imposée par la famille et les institutions scolaires, image avec laquelle nous essayons en vain toute notre vie de venir coïncider, l’auteur nous offre une porte de sortie salvatrice : une certaine déculpabilisation, mais aussi une approche sereine et décomplexée de la lecture, ou de la non-lecture. Parce que parcourir un livre ou ne pas le lire (et en parler) n’est pas une remise en question de notre aptitude à être soi, au final. Elle peut même devenir le terreau d’une créativité se nourrissant de notre imaginaire fait de quelques chemins balisés, mais aussi de beaucoup de simples indices chuchotés à notre esprit. A charge pour nous, à travers notre histoire, notre vécu, de se libérer du poids de nos carcans. Mais ai-je (bien) lu Pierre Bayard ?
mercredi 25 juin 2008
"Le tri sélectif des ordures" de Sébastien Gendron - Bernard Pascuito Editeur
Sébastien Gendron s’amuse à nous trimballer dans son univers barré où l’invraisemblable joyeux côtoie une réalité crue. A l’affût du client quel qu’il soit, sans distinctions socio-professionnelles, son héros à la morale paradoxalement tenace et tatillonne accueille le chaland avec le sérieux qui ferait passer le contrat de confiance d’un grand distributeur pour un chèque en blanc. Parce qu’en signant avec Dick Lapelouse, toujours à l’écoute attentive des desiderata de ses clients, on soigne proprement mais définitivement ses ennemis et autres arrogants à la petite semaine pollueurs de vie. Un travail bien fait qui satisfait tout son monde. Ou presque.
Le tri sélectif des ordures est drôle, écrit avec la légèreté des emmerdements qui s’annoncent, sans la peur des phrases balancées, méticuleusement imagées, infiniment sanglantes et résolument réjouissantes pour qui le petit commerce est l’avenir de l’homme dans un capitalisme de bon aloi. On pourrait s’insurger, on préfèrera nettement en profiter le sourire aux lèvres. Puis finalement, qui n’a jamais rêvé de se débarrasser de son chef de bureau ?
Les sites : là et là
jeudi 19 juin 2008
"La vie rocambolesque et insignifiante de Brad-Pitt Deuchfalh" (illustré par Diego Aranega) - M6 Editions
Donc. Maintenant. Le livre. Inutile de tourner autour du pot, la famille Deuchfalh est comme toutes les familles. Ou presque. Un père pasteur, une mère plus tout à fait là à la suite d’un accident, un grand frère, une sœur et… Brad. Adolescent pas tout à fait fini, mal dans sa peau (qui-change-mais-c’est-pas-sale), plus enclin à la glande, aux potes, aux émois turlupinants sur des photos vues en page centrale de certains magazines et à la blagounette potache tendance scato, Brad crapahute et triture sa vie en chapitres qui ressemblent à s’y méprendre à des posts blogueux. Et ça n’est pas un reproche, puisque de fait, on retrouve là-dedans, un rythme, le style d’un p’tit gars de 14 ans et un soucis scrupuleux d’être dans la surprise et la chute finale à chaque fin d’historiettes liées entre elles.
Parce que la famille de Brad, c’est tout un poème et le souci de l’auteur (il va gueuler si je l’appelle comme ça ?) est manifestement de ne jamais charger la barque en s’attardant, en digressant… Ce qui l’intéresse, c’est l’instantanéité, la formule qui fait mouche histoire de nous permettre de glousser tranquillement, égoïstement, dans notre coin. C’est finalement aller à l’essentiel en laissant tout de même traîner habilement quelques bribes d’humanité touchantes (notamment des fulgurances sur le personnage de la mère assez prenantes). On a bien conscience que ce livre est en liberté, que c’est une récréation… Une vraie récréation avec un bout de pain et quelques carrés de chocolat noisette dedans. Miam.
Le site : Brad-Pitt Deuchfalh
mercredi 11 juin 2008
"Vous descendez ?" de Nick Hornby - Editions Plon
Pour le coup, Nick Hornby a l’ingéniosité du pitch alléchant, celui que l’on voudrait tous avoir en magasin. Seulement c’est lui l’auteur, le malin et le chef d’orchestre d’une fable d’aujourd’hui… celle des contingences, de la conformité, des non-dits, des secrets de famille, des ambitions ratées, des enfances perdues, des rêves brisés, de l’ennui, du monde tel qu’il est avec l’impitoyable et imperturbable sablier du temps… L’auteur s’accapare ainsi chacun des personnages pour être eux à tour de rôle. Virevoltant de l’un à l’autre, Hornby devient Martin, Maureen, Jess et JJ à chaque début de (courts) chapitres. Il narre, il explique, il justifie ses personnages ni forcément sympathiques ni forcément intéressants ni forcément touchants, prenant constamment le lecteur par la main, sans possibilité de s’évader, de lire entre les lignes, sans pouvoir profiter des points de suspension, sans permettre au lecteur dès lors devenu passif comme devant sa télévision, de s’approprier ce livre. En maîtrisant totalement son récit, c’est un comble, l’auteur phagocyte notre latitude à imaginer et à nous balader dans nos travers d’Homme. Alors que l’on voudrait gambader le nez au vent dans les affres de nous-mêmes, on se retrouve installé trop confortablement dans le canapé du psy en baillant parfois. Souvent, même, finalement.
dimanche 8 juin 2008
L'Historique, le Politique et l'Anecdotique...
… avec Laetitia Casta, Yannick Renier, Yann Tregouët, Christine Citti… Sortie France : 21 mai 2008
Même s'il souffre franchement de la comparaison avec le sublime "Nos meilleures années" de l'italien Marco Tullio Giordana, Nés en 68 plante le décors dans la France de 1968 jusqu’à 2007... On y suit le destin d'une presque-famille faite de bric et de broc, menée d'une main de fer par Catherine (Laetitia Casta touchante, qui porte tout le film sur ses épaules)... On se prend insidieusement au jeu de ces 40 ans d’Histoire (ou d’histoires, c’est selon), on se trimballe parallèlement nos propres souvenirs, on s'imagine des erreurs possibles, des reniements probables, on se remémore des combats certains, des non-dits d'une existence qui défile à la vitesse grand v. Jusqu'à la fin, on se fait peur, à croire nos fêlures béantes, nos rêves éveillés et nos oublis malencontreux. "Nés en 68" raconte une vie, des vies, un peu nos vies, beaucoup nos lâchetés et nos mensonges à nous-mêmes ponctués de jalons (mai 68, la légalisation de l’avortement, l’élection de François Mitterrand en 81, le Sida, les yuppies, l’élection de Jacques Chirac, l’arrivée prochaine de… Sarkozy). Rien de tel pour nous croire résolument humains et friables. Rien que des Hommes.
« GAL » réalisé par Miguel Courtois
… avec José Garcia, Natalia Verbeke, Bernard Le Coq, Jordi Molla, José Coronado… Sortie France : 7 mai 2008
Enquête espagnolante prenante sur le thème du GAL, ce groupuscule tendance pieds nicklés chargé dans le plus grand secret par les hautes sphères étatiques de mettre hors d'état de nuire par tous les moyens illégaux les terroristes basques de l'ETA. Oeil pour oeil, dent pour dent. Dans ces méandres, deux journalistes (dont José Garcia - très bien), se mêlent de ce qui ne les regardent pas et se trouvent embarqués malgré eux dans la violence, la menace et le meurtre. Le film revêt sans doute pour l'Espagne une importance historique (un gouvernement a vacillé et un ministre de l'Intérieur a démissionné), pour nous autres, le film est un suspense rythmé, tênu et prenant qui n'est pas sans rappeler parfois les grandes heures du film américain d'enquêtes... Un bon film où se tissent les liens souvent étroits entre l'état de droit et la crapulerie gouvernementale secrète pour arriver à ses fins. Mais tout n'est pas si simple... Les réponses catégoriques sont délicates et difficiles. Un tantinet angoissantes, même.
Le site : http://www.gal-lefilm.com/
« Cash » réalisé par Eric Besnard
… avec Jean Dujardin, Jean Reno, Valeria Golino, Alice Taglioni, François Berléand… Sortie France : 23 avril 2008
Moui. Bon. Bin. Euh... Ah oui, Cash, donc. Alors voilà, c'est l'histoire multi-vu, revu, re-re-vu de l'arnaqueur arnaqué qui arnaque l'arnaquée qui arnaque les arnaqueurs. Jean Dujardin est plein de bonne volonté et Jean Reno s'illustre par un jeu à faire pâlir un sac de farine. C'est sympathiquement inerte, installé que vous êtes sur votre canapé, un dimanche soir alors que vous avez interro de maths lundi matin à 8h30. Et c'est tôt 8h30. Si. Rien qu’un Cash-misère…
Le site : http://www.cash-lefilm.com/
dimanche 1 juin 2008
"Le complot contre l'Amérique" de Philip Roth - Editions Gallimard
C'est dès lors la descente aux enfers d'un pays à l'agonie, dirigé par l'insinuation, les non-dits, guidé par l'apparition des vices enfouis et les résurgences antisémites. Un livre dans lequel se côtoient F. D. Roosevelt, Henry Ford, Goebbels, Goering, Randolph Hearst, Himmler ou encore J. Edgard Hoover qui font comme si les Etats-Unis étaient l’allié objectif d’une l'Allemagne qui prépare et fera la guerre. Rien n'échappe à Philip Roth, l'auteur. Pas une mesquinerie, pas une lâcheté, pas un abandon, pas une âme qui drape sa dignité d'homme d'un frêle mouchoir de poche. Rien. Il dresse le portrait d'une société décortiquée au scalpel de son malheur, dans une fiction sidérante. On y croit. On doute. Un livre incontournable.
dimanche 25 mai 2008
"Le Manifeste" de Stéphane Osmont - Editions Grasset
En état de grâce, l'homme de rien devenu le Politique du tout, bénéficie d'une conjoncture économique idyllique. Note de synthèse sur les comptes publics (...) Rythme effréné de la croissance du PIB, surplus de recettes fiscales, recul du taux de prélèvements obligatoires, résorption des déficits et de la dette : les prodiges de la prospérité qui m'accompagnent depuis mon arrivée à Matignon ne se démentent pas. Non, Abel Moreau ne rêve pas. Dans cette économie d'abondance où le problème n'est plus tant la répartition du peu entre tous, mais le trop plein pour chacun, le Premier ministre n'a d'autre choix pour satisfaire encore plus le bien-être général que d'inventer une nouvelle société. Ce sera la Fashion Nation, une société qui devra se spécialiser dans le business de l'Art de vivre et fusionner avec... l'Italie et l'Espagne. Dans ce climat tout rose, la Politique-friction ne pouvait pas rester inerte. Car Abel Moreau a quelques problèmes à régler avec lui-même, avec la piazza Belli et le pont Garibaldi de Rome, avec son amour de jeunesse, avec ces terroristes qui lui cherchent personnellement les noises, avec un ministre de la Défense, ennemi juré, qui ne pense qu'à lui prendre sa place... Un Premier ministre qui a du pain sur la planche avec sa dose quotidienne d'insomnie et de pilules de Dexedrine.
Stéphane Osmont, énarque usant ici d'un pseudonyme, est un observateur attentif et ironique des arcanes des ministères et de la Représentation nationale. Il s'amuse (et nous aussi) à marquer au fer rouge les travers, les inepties, les errements, les chausse-trappes, les délires, les rêves de grandeur des gens arrivés au sommet de leurs ambitions. Ces pétages de plomb en série n'ont de cesse de nous renvoyer à l'absurdité d'un Pouvoir laissé aux professionnels du Pouvoir qui ne conçoivent sans doute pas de vivre sans... Le Manifeste est une plongé en absurdie qui a le mérite de remettre les idées en place et de recadrer la Politique à hauteur d'Homme. L'humanité en moins. C'est grave, docteur.
dimanche 18 mai 2008
"L'Interprétation des meurtres" de Jed Rubenfeld -Editions Panama
Parce que l’auteur du livre est un malin. Prenant à bras le corps l’histoire de Big Apple, très détaillée, aux rendus minutieux et passionnants, Jed Rubenfeld nous trimballe dans la très haute société New Yorkaise de l’époque : riche, conquérante, pionnière et fondatrice de la future toute puissance américaine. Dans ce contexte, il promène le lecteur dans les balbutiements de la psychanalyse en faisant du narrateur de l’enquête un… psychanalyste, disciple de Freud. En quelque sorte, le porte-parole du Maître qui apparaît finalement peu, et qui tentera de dénouer les nœuds des personnages complexes, se payant le luxe de même parfois, ô diable, le contredire.
Inutile, avant de commencer la lecture de L’Interprétation des meurtres, de se croire obligé d’être un cador de la psychanalyse. Tout est ici abordable facilement, à l’image d’une psychanalyse qui n’en est encore qu’à ses prémices et de fait, donc, abordée avec didactisme et simplicité par l’auteur. On passe ainsi de la petite fille riche, à la femme battue en passant par les bas-fonds, la jalousie, les instincts primaires et le complexe d’Œdipe sans coup férir. Les chapitres sont courts, vifs, alertes, passant d’un point de vue à un autre tout en mélangeant une série d’histoires qu’il serait délicat de révéler ici, suspense oblige. Freud est le plus souvent un spectateur attentif, un point d’ancrage, une référence écoutée par le narrateur qui mène son enquête. N’allez pas imaginer qu’il puisse devenir un Sigmund Holmes ou un Sherlock Freud crapahutant avec son fidèle Watson vers de nouvelles aventures. Jed Rubenfeld nous gratifie d’une bonne histoire, intelligente, documentée et attrayante pour les neurones. De quoi largement en faire quelques bulles effervescentes et champagnisées. Un plaisir de lecture à ne surtout pas bouder.
dimanche 11 mai 2008
"Mongol" réalisé par Sergei Bodrov
Nan ? Sans déc' ? Dites moi pas qu'c'est pas vrai ? Personne, je dis bien personne n'a vu "Mongol" réalisé par le Russe Sergei Bodrov ? Alors je vous le dis rien qu'à vous : probablement un des meilleurs films que j'ai pu voir depuis le début de cette année. Je résume : l'ascension au Pouvoir de celui qui allait devenir l'unificateur de la Mongolie, Gengis Kahn. Film remarquable à l'image sublimissime où se mêlent âpreté et violence... ressentiment et vengeance... douceur et tendresse... amour et fidélité. Le réalisateur s'est attardé sur la légende de Gengis Kahn, son arrivée aux commandes d'un pays qui n'en était pas encore un.. De son enfance à son état d'Homme, conscient de son Destin de bête traquée par ceux qui n'auront de cesse de vouloir sa perte. Il y a dans ce film les fulgurances des combats, de la survie, des corps martyrisés, mais aussi les foudres du paisible qui ne durent jamais très longtemps. Son parcours est semé d'embûches, de trahisons et de quelques geôles. Un film magnifique, parfois torturé, mais toujours libre. In-dis-pen-sa-ble.
Le site : http://www.mongol-lefilm.com/
lundi 28 avril 2008
"Et si c'était niais ?" de Pascal Fioretto - Editions Chiflet & Cie
Parce qu’il faut bien l’avouer, on rigole franchement de ce feu d’artifice où se mélangent et se côtoient quelques auteurs-stars du monde de l’édition d’aujourd’hui. En reprenant à son compte leurs façons reconnaissables (et inimitables ?) entre toutes d’écrire, l’image qu’ils véhiculent d’eux-mêmes, Pascal Fioretto est irrévérencieux, intelligemment taquin et peut taper là où ça fait (un peu) mal. Pour en rire. On découvre, s’il en est besoin, un Denis-Henri Lévi arrogant et prétentieux, accrochée à une conscience exacerbée de sa magnificence, une Christine Anxiot hystérique (sic) pour une cartouche d’imprimante qu’elle souhaiterait changer, une Mélanie Notlong en prise avec le… pourri, Fred Wargas qui offre au livre son héros, le commissaire Adam Seberg résolument perturbé par son passé, Jean d’Ormissemon jouant au jeune ou encore Anna Galvauda plongeant le roman dans la pauvreté, pataugeant dans le sordide. Bref, nous ne sommes pas perdus.
Dans tout ce mic-mac, l’enquête menée est cohérente dans son peu d’intérêt. Elle laisse toute sa place aux écrivains-invités contre leur gré. Pas besoin d’être un spécialiste (re)connu mondialement de chacun d’entre eux. Il suffit de se laisser porter, puisque au-delà du plaisir de découvrir les différents styles derrière lesquels se cache Pascal Fioretto, se camoufle également l’envie de voir triturer les égos démesurés de certains, avec une certaine méchanceté jouissive, mais surtout avec une certaine lucidité mâtiné d’un don de l’observation et de l’adaptation remarquable. On reste admiratif du travail d’orfèvre mené par l’auteur. On s’extasie. On ricane. On se moque. On se régale.
lundi 21 avril 2008
"Socrate dans la nuit" de Patrick Declerck - Editions Gallimard
Patrick Declerck règle dans un style brillant ses comptes avec lui-même, avec son passé, lucidement, alors que rôde alentour ses errements d’homme, ses remords, ses impasses… En filigrane, comme un ultime message à sa fille qu’il connaît si peu, si mal, avec qui il voudrait tant communiquer, tant rattraper tout ce temps perdu. Perdu définitivement. On oscille entre le malaise d’un homme en sursis et la volonté à tout crin de ne rien oublier… De marteler les instants sereins de la vie, de raconter l’enfance, les amis, les potes, les amours, les traces d’un parcours où se baladent quelques femmes, des maîtresses, une épouse, le vin, les bonnes bouffes et la littérature. L’écriture en attelle, Cornelius-Declerck scrute cliniquement son Etat d’Homme en imposant la pensée de Socrate condamné à mort comme lui, qui nous suit pendant tout le livre.
C’est alors un va et vient permanent particulièrement maîtrisé entre les vies de Cornelius et la philosophie de Socrate, sa guest-star. Patrick Declerck, en érudit, soumet le lecteur à l’épreuve de la pensée profonde en se révoltant, en provoquant, en interrogeant son prestigieux invité. On peut parfois se perdre dans les dédales de la Pensée, être frustré par une méconnaissance avérée de l’histoire et des mots du philosophe, mais l’on n’en reste pas moins interpellé par les questionnements d’un homme qui n’aura de cesse de démontrer à la fois son envie et sa soif de vie, mais aussi l’ambition d’en finir au plus vite. Une ambivalence terrifiante que l’on ne comprend que trop bien.
lundi 14 avril 2008
"L'erreur est humaine" de Woody Allen - Editions Flammarion
Toutefois, il faut bien avouer que la mécanique bien huilée des textes laisse parfois un goût de monotone et de déjà vue pour qui connaît bien l’œuvre d’Allen, qu’elle soit cinématographique ou littéraire. On peut aussi reprocher dans cette traduction la présence d’énormément de références un peu obscures, faute d’explications de la part de l’éditeur. L’erreur est humaine est à mettre, quoi qu’il en soit, entre toutes les mains pour qui a envie de passer un (très) bon moment avec la rigolitude en bandoulière.
lundi 7 avril 2008
"L'affaire Jane Eyre" de Jasper Fforde - Editions Fleuve Noir
Pour cette première aventure, l’auteur a placé son héroïne en bien fâcheuse posture. Cantonnée dans son habituelle et parfois monotone travail d’enquêteuse, elle se voit contrainte par la force de choses à opérer son grand retour dans la ville de son enfance et de ses premiers émois, Swindon. Là, entre un dangereux psychopathe candidat au poste de plus grand criminel de l’Histoire de la littérature, des parents à l’ouest, un oncle inventeur (la machine à gommer les souvenirs, la voiture caméléon, le papier carbone qui traduit dans une autre langue ce que l’on y écrit, la machine capable de reconnaître l’odeur d’un criminel, l’olfactographe, ou encore… les asticots correcteurs d’orthographe…), miss Next retrouve ses marques et son amour de toujours sur le point de se marier. Au final, une Thursday qui se trimballe suffisamment de casseroles psychologiques, lestée des poids du passé, pour justifier son besoin de folie.
De quoi déprimer ou dépasser l’entendement de la réalité avec une histoire où les personnages se voient transporter dans les pages des chefs d’œuvre de la littérature pour parfois en changer le cours, ou tout faire pour n’en rien modifier. C’est la mission qui incombe à ce détective jamais en jupon lorsque le terrifiant Achéron Hadès décide qu’il tiendra le monde en haleine avec le vol de l’édition originale de Jane Eyre de Charlotte Brontë dont il peut changer l’histoire à volonté. Une perspective insupportable pour le commun des mortels dans l’univers de fantaisie de Jasper Fforde. Thursday passera à l’attaque…
Mais dans ce foisonnement et cette originalité débridée, l’auteur cabotine un peu. On a parfois l’impression qu’il bombe le torse en vous faisant un clin d’œil : z’avez vu comme j’ai de l’imagination !!??. Alors, parfois, Fforde se perd un peu dans les dédales de son histoire, digresse à loisir en laissant paraître ses trucs, voire ses tics d’écriture avec un fin qui traîne en longueur. Mais on reste pantois, impressionné, par ce mélange de roman policier, de conte déjanté et de voyage pour l’anticonformisme. Un voyage en première classe.
Le site : Japser Fforde