lundi 14 juin 2010

"Le Parisien" de Thomas Lélu - Edtions Flammarion


Thomas Lélu est un homme à tout faire. Artiste, photographe… romancier. Dans le genre branchouille, le gars déambule quotidiennement dans la hype, entre gens qui comptent seulement pour eux-mêmes. Avec « Le Parisien », son troisième roman, c’est sa vie qu’il raconte. Celle où le lundi il se lève tard, petit déjeune, couche avec Chloé, déjeune, s’engueule avec Chloé, envoie des textos, croise Pierre, Paul et Jacques, prend l’apéro, couche avec Chloé, envoie des textos, dîne, va dans une soirée, picole, se ré-engueule avec Chloé, envoie des textos, rentre bourré, couche avec Chloé et s’endort. Le mardi pareil. Le mercredi pareil. Le jeudi pareil, mais on ajoute une avant-première au cinéma. Le vendredi pareil, mais on ajoute un vernissage. Le samedi pareil, mais on ajoute une visite familiale. Dimanche pareil, mais on ajoute une invitation à séjourner dans une (forcément) grande maison avec ces mêmes gens qui comptent. C’est triste, sinistre et emmerdant.

Et pourtant, de la part d’un auteur capable d’être hilarant ("Je m'appelle Jeanne Mass" et "Jacques Daniel Nick Oussama"), on pouvait raisonnablement s’attendre à plus de mordant et d’ironie bien sentie. Avec du recul, « Le Parisien » aurait sans doute énormément gagné à scruter une frange de population hors-circuit du quotidien des gens dits normaux. Se refusant (peut-être) à cracher dans la soupe, Thomas Lélu livre un journal d’auto-fiction rébarbatif qui voit se débattre comme elle peut une histoire d’amour impossible sur le mode on s’aime trop pour vivre ensemble. Fatigante posture qui phagocyte l’ouvrage alors que le reste fait trépigner d’ennui. Les soirées, les rencontres, les discussions, tout concourt à l’immobilisme, à cette infinie désolation d’Etres qui passent leur temps à être hors du temps, hors du monde et de ses contingences. Des vies qui tournent en rond. Comme tout le monde, au final ?

En décortiquant ces journées façon listing avec force détails, Thomas Lélu lorgne sûrement du côté de Brett Easton Ellis. L’auteur tente de donner corps au narrateur, le rendant tour à tour beau, con, cynique, incompréhensible, sensible, perdu, amoureux, affable, paresseux, invisible… insensible, fermé, obtus. Avec cette humanité, pourtant, le lecteur n’est quasiment jamais dans l’empathie. Dans ce manque flagrant de sentiment(s), on se dit que « Le Parisien », est un égarement, presque une facilité. Autant ses deux précédents romans étaient blindés d’imagination, autant celui-là traque le quotidien avec une morosité criante. La publicité nous aura menti : Le Parisien, il ne faut pas nécessairement l’avoir en journal.