
Pour cette première aventure, l’auteur a placé son héroïne en bien fâcheuse posture. Cantonnée dans son habituelle et parfois monotone travail d’enquêteuse, elle se voit contrainte par la force de choses à opérer son grand retour dans la ville de son enfance et de ses premiers émois, Swindon. Là, entre un dangereux psychopathe candidat au poste de plus grand criminel de l’Histoire de la littérature, des parents à l’ouest, un oncle inventeur (la machine à gommer les souvenirs, la voiture caméléon, le papier carbone qui traduit dans une autre langue ce que l’on y écrit, la machine capable de reconnaître l’odeur d’un criminel, l’olfactographe, ou encore… les asticots correcteurs d’orthographe…), miss Next retrouve ses marques et son amour de toujours sur le point de se marier. Au final, une Thursday qui se trimballe suffisamment de casseroles psychologiques, lestée des poids du passé, pour justifier son besoin de folie.
De quoi déprimer ou dépasser l’entendement de la réalité avec une histoire où les personnages se voient transporter dans les pages des chefs d’œuvre de la littérature pour parfois en changer le cours, ou tout faire pour n’en rien modifier. C’est la mission qui incombe à ce détective jamais en jupon lorsque le terrifiant Achéron Hadès décide qu’il tiendra le monde en haleine avec le vol de l’édition originale de Jane Eyre de Charlotte Brontë dont il peut changer l’histoire à volonté. Une perspective insupportable pour le commun des mortels dans l’univers de fantaisie de Jasper Fforde. Thursday passera à l’attaque…
Mais dans ce foisonnement et cette originalité débridée, l’auteur cabotine un peu. On a parfois l’impression qu’il bombe le torse en vous faisant un clin d’œil : z’avez vu comme j’ai de l’imagination !!??. Alors, parfois, Fforde se perd un peu dans les dédales de son histoire, digresse à loisir en laissant paraître ses trucs, voire ses tics d’écriture avec un fin qui traîne en longueur. Mais on reste pantois, impressionné, par ce mélange de roman policier, de conte déjanté et de voyage pour l’anticonformisme. Un voyage en première classe.
Le site : Japser Fforde