lundi 7 septembre 2009

Frédéric Nothomb et Amélie Beigbeder chez Albin Grasset



Rentrée littéraire oblige, écrivains incontournables et obligés ? Autant en finir tout de suite avec Amélie Beigbeder et Frédéric Nothomb, omniprésents dans l’ère médiatique actuelle. Et pourtant, je les aime bien tous les deux, moins leurs livres parfois. Il y a leur bouille, leur aisance, leur faconde qui font que comme d’habitude je me serais laissé prendre à leur jeu respectif, par curiosité, par envie. Avec cette impression, peut-être, que je louperais éventuellement quelque chose. Puis non.

J’aurais dû me méfier. J’avais lu quelques éloges flatteurs de la dernière livraison de Frédéric Beigbeder, Un roman Français, et je me suis laissé une fois de plus convaincre malgré le souvenir désagréable d’une lecture poussive et ennuyeuse de son précédent livre, le médiocre Au secours pardon ! Comme à son habitude, l’auteur se met en scène dans un roman qui reprend en filigrane son interpellation pour usage de stupéfiant en pleine rue, sur le capot d’une voiture. Emmené au poste de police, Beigbeder et/ou son autre Lui est rivé sur sa chaise d’interrogatoire, penaud, parfois connement arrogant, péremptoire du haut de sa Grandeur d’écrivain dont il se croit affublé.

Et ce qui ne devait être qu’une péripétie se révèle être à la fois le constat d’un état de droit qu’il considère bafoué par un magistrat qui voudrait se payer un people, mais également le prétexte à un retour sur l’histoire familiale de l’écrivain. Alors, le lecteur navigue entre la descente en enfer d’un citoyen arborant la conscience soudaine du ho mais c’est horrible ces conditions de détention avec sa famille et des souvenirs par trop encombrants (le divorce de ses parents, quelques mensonges, un frère trop doué, une enfance gâtée-bâclée, une adolescence effacée, une vie d’adulte où se mêle la nuit avec… la nuit pour se perdre entre gens qui auraient tout pour être heureux, surtout l’argent).

C’est un sentiment étrange qui parcourt la lecture d’un Roman Français. C’est en effet souvent l’agacement qui a prédominé avec un écrivain que l’on sent loin de tout, loin de la vie, des contingences matérielles qu’il n’a semble-t-il jamais connues. Sa fuite en avant, ses découvertes navrantes d’un monde qui tourne sans lui et qui ne rendent pas l’auteur-narrateur spécialement attachant font de ce livre une œuvre presque naïve ou carrément larguée, c’est selon. Pourtant, soyons honnêtes, il y a quelques fulgurances, quelques portraits familiaux touchants, mais cela ne m’a pas du tout suffit, et cela n’a transmis absolument aucune empathie. Un roman triste, ce Roman français.

Amélie Nothomb, elle, poursuit sa route invariablement. Avec Le voyage en hiver, son nouveau roman, elle trace son sillon habituel au rythme encore hallucinant d’un livre par an. Ce nouveau livre ne déroge pas à la règle tacite des précédents : un livre (très) court au pitch aguicheur quand il n’est pas le récit de sa propre vie. Là, Zoïle est un amoureux meurtri. Il attend son prochain avion, celui qu’il va faire sauter lui à l’intérieur. Pendant cette attente dans l’aéroport, il écrit, il raconte son histoire avec la belle Astrolabe, celle qu’il a rencontré alors qu’il était agent EDF.

Elle est l’assistante-bonne-à-tout-faire d’une femme écrivain attardée mentale incapable de se débrouiller et même d’écrire seule. Zoïle essaie, tente tous les stratagèmes pour que sa Belle soit toute à lui. Mais peine perdue, la lutte est inégale et perdue d’avance. Zoïle ne séparera pas les deux êtres indispensables l’un à l’autre. Alors, parce qu’Astrolabe est de très loin ce que j’ai rencontré de mieux sur cette planète. Elle n’a pas des qualités, elle est la qualité. Et cela ne l’a pas empêchée de me traiter avec une cruauté castratrice. Donc, si même le fleuron de l’humanité ne vaut pas mieux que cela, liquidons l’affaire. De cette frustration, il faut que le monde paie, des coupables et des innocents, peu importe. Ils doivent périr pour que Zoïle laisse une trace.

Amélie Nothomb ne s’embarasse pas, elle sait imaginer, raconter… Elle ne s’attarde pas sur les détails, elle va droit au but et mène le lecteur en courte apnée (133 pages !) tout en glissant subrepticement au gré des pages quelques considérations sur l’état d’écrivain. La lecture est furtive, même si étrangement pour un livre si court il y a des longueurs (l’interminable séance de prise de substances illicites…). On lit, mais on a encore faim en sortant de ses pages. Reste à se dire que l’on sera passé une fois encore par la case anémie Nothomb.


"Un Roman français" de Frédéric Beigbeder chez Grasset
"Le Voyage en hiver" d'Amélie Nothomb chez Albin Michel