vendredi 9 avril 2010

"Incidences" de Philippe Djian - Editions Gallimard


Il ne paie pas de mine, Marc. La cinquantaine assumée, donnant des cours d’écriture à l’université, il aime ses jeunes étudiantes. De près. De très près. De très très près. Un soir, ivre, il rentre chez lui en charmante compagnie pour se réveiller le matin aux côtés d’une morte. Panique ? Pas tant que ça, même s’il faut se débarrasser du corps. Si le début du livre respire l’humour noir anglais, détaché, on tombe vite dans l’étonnant aveuglement égotiste de Marc plus « auto-préoccupé » par ses relations ambiguës avec sa sœur, par son supérieur hiérarchique pot de colle ou encore par la mère de la jeune morte avec qui il noue une relation étourdissante.

C’est dans la chaleur d’un sud de la France que l’on imagine, que Djian fait suffoquer ses personnages aux prises avec le quotidien, le banal et l’ennui. Sans véhémence, sans peur ni sans ce soupçon de remords, le héros malgré lui déambule dans ses angoisses du lendemain avec la verve d’un animal en hibernation. Eteint, il croise le monde en redécouvrant parfois que son cœur peut se remettre à battre. Là, la promiscuité et les corps ne trichent plus, ils s’agrègent pour s’oublier et renaître. Djian maîtrise parfaitement ce ralenti, cette indifférence crasse où la vie ne se mène pas, elle se subie. Il triture la désinvolture tranquillement et s’adonne aux plaisirs malsains, mais réjouissants, d’une écriture lardée d’échardes qui fait passer brillamment de la stupeur du lecteur vers les inaccessibles contrée de personnages en lambeaux. Il y a ici comme un malaise perceptible, une chute effrayante qui ne peut que faire tout exploser sur son passage. Une bombe à fragmentation.

3 commentaires:

May a dit…

Je ne maîtrise pas bien le concept de la bombe à fragmentation (j'imagine quelque chose) mais pour le reste, tu en parles très bien.
Les grands esprits, en effet.

May a dit…

J'imaginais juste.

Restling a dit…

Je l'ai lu aussi et comme d'habitude, ce fut un régal de lire Djian ! Maintenant, il faut que j'écrive mon billet (yapluka...)