mardi 14 octobre 2008

"Dessous, c'est l'enfer" de Claire Castillon - Editions Fayard

Je ne suis pas capable de sentiments francs, d’attentions justes, de désirs familiers, je suis seulement porteuse de mon hérédité. J’aime et je n’aime pas, c’est partagé. J’aurais pu m’arrêter là, ne pas aller plus loin dans la chronique du livre de Claire Castillon. Une phrase idéale pour s’imaginer l’atmosphère asphyxiante de son ouvrage. Car l’auteur n’y va pas de main morte avec son nouveau roman, Dessous c’est l’enfer. En racontant le destin banal de trois générations de femmes de la même famille, elle s’impose comme la narratrice de ses propres névroses de femme soumise, vivante (ou presque) à l’aune de l’homme qui partage sa vie et dont elle affuble d’entrée du surnom de… l’âne. Là encore, tout est dit.

Sur le mode famille je vous hais, Claire Castillon déballe l’histoire en ne nommant personne. Pas un prénom dans la famille, juste la Mère, le Père, la Grand-mère, le Grand-père, la Fille… L’histoire de générations qui se croisent sans se voir, sans se parler, sans s’aimer, dans cette indifférence crasse que la narratrice devenue écrivain dissèque impitoyablement. Faisant son œuvre, elle passe de l’un à l’autre des protagonistes sans empathie, avec le même regard en coin qui rend la lecture de Dessous, c’est l’enfer parfois usante, souvent pénible. Cette im-personnalisation des personnages pourrait rendre le propos universel, au lieu de cela il repousse le lecteur dans une posture froide, voire glaciale. On a souvent envie de passer quelques pages mine de rien, en se disant que le soleil brillera un peu, un peu plus loin. Mais non.

Cette infinie désolation, ainsi, nous ramène au désert émotionnel, à l’implacable morsure des vies mal vécues. Peut-être une rencontre, cet homme à la pomme d’Adam, pour respirer ? Pour jouir du temps présent ? Mais non. L’auteur s’adonne au déplaisir omniprésent, aux invectives et aux abandons même pas lâches, mais inhérents aux lourds soupirs du désespoir. Pas d’échappatoire, pas d’issue de secours, pas une chaleur humaine contre laquelle se blottir. Rien. Même pas une misère, le néant se déploie dans l’impasse. Le père et la petite s’installent sur le sable mouillé. Ils n’ont pas emporté de vêtements chauds. Le père retire sa chemise et couvre la petite. Elle pense alors que, si la mère était morte, tout irait mieux, on serait tristes, on saurait pourquoi, et on profiterait de la plage.