jeudi 12 novembre 2009

"La vérité sur Marie" de Jean-Philippe Toussaint - Editions de Minuit


Tout commence par la séparation des corps. Le narrateur de La vérité sur Marie a perdu Marie et son amour, croit-il. Séparé qu’ils sont depuis quelques mois, chacun des deux ex vit sa vie, à Paris. L’un est dans le lit de Marie, une autre Marie tandis que Marie (la vraie) est dans les bras de Jean-Christophe, un riche homme d’affaires propriétaire de chevaux de courses. Puis un soir, ce dernier s’écroule. Crise cardiaque. Il n’en faut pas plus à Marie pour rappeler le narrateur et qu’il accourt sous la pluie. Exit le premier tableau. Retour en arrière. Le trio est au Japon. Marie et son nouvel amant repartent pour Paris avec Zahir, un cheval de course suspecté de dopage. Dans les méandres de l’aéroport, l’animal s’échappe, court, titube, glisse, transpire, s’effraie… Puis est installé dans l’avion. Troisième acte, le narrateur rejoint la maison familiale de Marie, sur l’ile d’Elbe. Là, ils se retrouvent, se scrutent, s’observent, s’effleurent… pendant qu’un incendie ravage le club hippique tout proche. La boucle est bouclée. Reste à s’aimer.

Jean-Philippe Toussaint a ce don certain de rendre son écriture en apparence austère. Alors que l’on pourrait croire que ce style ne peut laisser suffisamment sa place à l’imagination, c’est en vérité tout le contraire qui se passe. Ce style précis et implacablement descriptif capte le lecteur, l’hypnotise tandis que les images se forgent dans la tête. A tenir si remarquablement bien son texte, l’auteur nous embarque dans son voyage à travers les êtres et surtout leurs âmes. On est miraculeusement emporté par les doutes, la mauvaise foi, la jalousie et la haine du narrateur ô combien compréhensible… On est aussi estomaqué par cette description sidérante et organique d’un cheval aux abois dans un aéroport de Tokyo, de nuit alors que l’on éprouve physiquement cette détresse de l’animal. On se prend enfin à subir la chaleur de l’Ile d’Elbe, à profiter du rafraichissement d’une simple baignade avant de se sentir sale de suie tandis que l’incendie fait rage. Puis le calme et l’apaisement reviennent. Et l’on se dit que ces trois parties du livre si différentes soient elles, n’ont qu’un unique but : marteler encore et encore que l’amour est perpétuellement bousculé, balloté, malmené… mais que sa flamme subsiste puisque nous ne sommes que maladroitement humain.