lundi 20 juin 2011

"La mort d'Edgar" de Franz Bartelt -Editions Gallimard


Il y a des livres de nouvelles qui correspondent tout à fait à l'idée que l'on peut se faire d'elles. "La mort d'Edgar", sans conteste, truste à lui tout seul le cahier des charges d'un tel exercice : être dans le vif du sujet, des personnages campés sans fioritures, une plume précise et efficace, un scénario implacable, une histoire originale déroulée sur du velours, une fin surprenante. Tout y est.

Alors, on se laisse balader par Franz Bartelt qui nous emmène là où il veut. Dès sa première histoire qui donne son titre au livre (ma préférée), ce sont les "petits gens" accablés par la mort du jeune frère inconnu d'un austère et secret habitant du village. Les portraits dressés par l'auteur rivalisent de drôlerie, de pathétique ou encore de burlesque lorsque "Gardin s'éveilla" alors que tout le monde, absolument tout le monde, le croit mort ou que Sylvie dans "Une sainte fille" passe toute sa vie à être considérée comme "sacrée vicieuse".

Les mécaniques quasi-policières mises au point par Bartelt feraient trembler le meilleur des inspecteurs face aux envies quotidiennes de suicide d'un personnage systématiquement sauvé par un autre ("Le puits"). On est estomaqué par l'audace du "héros", à qui dans une seule et même journée tout réussi ("Le meilleur des jours"). Ou encore ce couple dont la relation est mathématiquement liée ("Parfait amour"), effrayant digression sur notre illusoire besoin de perfection.

Et puis il y a ces incursions dans le monde des arts. Impitoyable monde des arts. On s'amuse ainsi de cet écrivain qui par faiblesse d'imagination va laisser son épouse jouer le rôle de sa muse prête à tout pour la création littéraire ("Un vrai romancier"). Ou encore, dans "Histoire de l'art", ce besoin intrinsèque du créateur de se rapprocher coûte que coûte de l'Art sublimé jusqu'à la caricature de l'humain mis en situation d'être l'œuvre elle-même, admirée et visitée.

Franz Bartelt triture, manie et met en scène la folie des hommes. Il invente et sur-joue leurs défauts avec le recul moqueur, trempant son style souvent imagé et brillant, laissant une place de choix à une ironie décomplexée. Il nous emmène dans ses voyages, comme dans un rêve où les faits, les personnages, les couleurs, les décors s'entremêlent chaotiquement pour finalement retomber sur leur pied. Ce voyage en "iconoclastie" fait un bien fou. Une folie douce.

Merci à Amanda d'avoir, comme souvent, si bien attiré mon attention sur ce livre.