Par Betty Poulpe
La loco de la démocratie a œuvré, les lecteurs ont voté et élu les lauréats de la sélection "Eté" du prix SNCF du polar (site) : "Tonton Clarinette" de Nick Stone dont j'ai dit tout le bien que j'en pensais ici même et A.W. Rosto avec "Ténèbres et Sang". J'en suis, de ces "lecteurs-votants" même si ça me réjouit de moins en moins. Je découvre, parfois, de bons auteurs, des polars bien ficelés, bref, le prix joue son rôle de "révélateur" de talents. C'était ma première motivation. En revanche, certaines choses fâchent. Déjà la sélection du printemps m'avait déçue et le vote encore plus : figurez-vous qu'un polar peut encore s'intituler sans rougir "les morsures de l'ombre". Trèèès original. Le contenu n'est pas en cause, simplement un titre pareil ne donne pas envie de soulever la couverture. Eh bien le voilà finaliste de la sélection "Printemps" (avec "l'otage", roman agréable mais dont je me demande encore pourquoi on le qualifie de polar). Puis la sélection "Eté", alléchante sur le papier s'est révélée décevante à la lecture. Sauf pour le Nick Stone et ... le "Versus" d'Antoine Chainas, sélectionné et éliminé par le vote.
Que je vous explique comment fonctionne le bazar. Vous avez une liste de livres, une sélection par saison, un temps donné pour les lire et ensuite vous votez selon 5 critères dont "écriture" et "originalité". C'est là que ça me fait mal. J'ai failli laisser tomber "Ténèbres et Sang" (encore un titre insignifiant) au bout de 6 ou 7 lignes tant le style du premier paragraphe était... agaçant. Alors pour le critère "écriture"... je repasserais. Je veux bien qu'on m'objecte que l'écriture de Chainas, est parfois... particulière. En fait, tout a été dit sur le style d'Antoine Chainas qu'il est génial et de le comparer derechef à Céline (si, si) et a contrario il est absolument indigeste, voire pire. Personnellement, même si je doute de l'emploi fréquent de nos jours de mots comme "lourde" ou "blaze", et trouve que parfois à trop vouloir en faire, c'est trop précisément, j'ai pris plaisir à le lire. Enfin, plaisir, comme quand on joue à se faire peur.
Ensuite, et c'est le côté croustillant, "Versus" et "Ténèbres et sang" abordent le même sujet, l'infanticide. Avec un angle très différent certes. Là où A. W. Rosto fait jouer les rouages bien huilés (cf Grangé ou Thilliez) et très en vogues du tueur atteint de mysticisme exotique, A. Chainas ancre son récit dans une horreur réelle et bigrement bien "documentée". Pour moi l'originalité est plutôt du côté de "Versus". Je reproche deux choses aux auteurs amateurs de tueurs illuminés : d'abord de se servir de l'alibi mystique pour s'aménager de confortables Deus Ex Machina abusant ainsi de facilités scénaristiques, ensuite d'introduire une forme d'éloignement qui frôle le leurre. Le lecteur peut se dire qu'un malade massacrant son prochain selon des rites incas ou mongols ou templiers, ne court pas les rues. Mais quand monsieur tout le monde est pédophile, que Madame tout le monde filme Monsieur avec l'assentiment de l'aîné de la fratrie, bref, qu'on plonge dans le glauque qui ressemble bizarrement à une dépêche AFP, il y a moins d'échappatoire. La sortie de secours est fermée. La réalité est frontale, brutale, moins facile à digérer. C'est peut-être ce qui a pénalisé Antoine Chainas. Un abus de réalité.
Si vous voulez découvrir l'univers d'Antoine Chainas, il est ici : http://zymansky.over-blog.com/
1 commentaire:
Je m'insurge : j'adore les mots "lourde" et "blaze", et je les utilise dès que je peux... ou presque ;-))
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