Avec un tel titre, on pourrait penser de prime abord que ce livre est un guide rigolard et désinvolte sur l’art et la manière d’esquiver les ennuis littéraires en société. Erreur. Le livre que l’universitaire Pierre Bayard nous adresse est un érudit panorama de notre situation face à la lecture, tout en démythifiant son importance, ou son sacré. En mettant au cœur de son ouvrage celui qu’il appelle le non-lecteur, l’auteur s’ingénie à déculpabiliser, à mettre en exergue les situations qui pourraient nous faire craindre d’être l’objet des remarques les plus acerbes de ceux qui se disent lecteurs et qui, probablement, ne le sont pas plus que vous. Parce qu’il s’agit ici de mettre en lumière l’hypocrisie ambiante qui tendrait à nous faire croire, y compris à soi-même au vue de l’intégrisme que représente parfois le regard des autres en la matière, que tout le monde lit les grands livres, les Classiques ou les livres qui comptent dans le panthéon de la littérature.
Alors, sans faux-fuyants, Pierre Bayard, qui pour chacun des livres qu’il cite précise s’il les a lu, pas lu, parcouru ou s’ils lui sont inconnus, s’appuie sur de multiples extraits d’ouvrages lui permettant de mettre en perspective chaque situation symptomatique, et chaque attitude révélatrice de la non-lecture. On retrouve ainsi notamment le discours savoureux de Paul Valéry à l’Académie française faisant l’éloge de son prédécesseur, Anatole France, qu’il n’a manifestement pas lu. C’est encore Umberto Ecco, avec son livre Le nom de la rose, qui fait parler son héros d’un livre qu’il n’a jamais vu mais qu’il connaît à travers ce qu’en disent les autres, ou c’est encore Montaigne qui parle de ses livres dont il ne se souvient même pas.
Dès lors, ces comportements de non-lecteur influent sur notre façon d’être, nos relations aux autres, parce que simplement ils donnent de nous une image tronquée, partielle, un enjeu de confrontation entre individus qu’il nous est parfois difficile de subir sans appréhensions. Pierre Bayard observe ainsi que ce n’est pas seulement un sentiment de honte, attaché à des situations de l’enfance, qui est en cause quand nous nous aventurons à parler de livres non lus, mais une menace plus grave, portant sur l’image que nous avons de nous-même et que nous donnons aux autres. En tentant de désamorcer, voire de découpler nos scrupules de non-lecture de cette image oppressante d’une culture sans faille, transmise et imposée par la famille et les institutions scolaires, image avec laquelle nous essayons en vain toute notre vie de venir coïncider, l’auteur nous offre une porte de sortie salvatrice : une certaine déculpabilisation, mais aussi une approche sereine et décomplexée de la lecture, ou de la non-lecture. Parce que parcourir un livre ou ne pas le lire (et en parler) n’est pas une remise en question de notre aptitude à être soi, au final. Elle peut même devenir le terreau d’une créativité se nourrissant de notre imaginaire fait de quelques chemins balisés, mais aussi de beaucoup de simples indices chuchotés à notre esprit. A charge pour nous, à travers notre histoire, notre vécu, de se libérer du poids de nos carcans. Mais ai-je (bien) lu Pierre Bayard ?
Alors, sans faux-fuyants, Pierre Bayard, qui pour chacun des livres qu’il cite précise s’il les a lu, pas lu, parcouru ou s’ils lui sont inconnus, s’appuie sur de multiples extraits d’ouvrages lui permettant de mettre en perspective chaque situation symptomatique, et chaque attitude révélatrice de la non-lecture. On retrouve ainsi notamment le discours savoureux de Paul Valéry à l’Académie française faisant l’éloge de son prédécesseur, Anatole France, qu’il n’a manifestement pas lu. C’est encore Umberto Ecco, avec son livre Le nom de la rose, qui fait parler son héros d’un livre qu’il n’a jamais vu mais qu’il connaît à travers ce qu’en disent les autres, ou c’est encore Montaigne qui parle de ses livres dont il ne se souvient même pas.
Dès lors, ces comportements de non-lecteur influent sur notre façon d’être, nos relations aux autres, parce que simplement ils donnent de nous une image tronquée, partielle, un enjeu de confrontation entre individus qu’il nous est parfois difficile de subir sans appréhensions. Pierre Bayard observe ainsi que ce n’est pas seulement un sentiment de honte, attaché à des situations de l’enfance, qui est en cause quand nous nous aventurons à parler de livres non lus, mais une menace plus grave, portant sur l’image que nous avons de nous-même et que nous donnons aux autres. En tentant de désamorcer, voire de découpler nos scrupules de non-lecture de cette image oppressante d’une culture sans faille, transmise et imposée par la famille et les institutions scolaires, image avec laquelle nous essayons en vain toute notre vie de venir coïncider, l’auteur nous offre une porte de sortie salvatrice : une certaine déculpabilisation, mais aussi une approche sereine et décomplexée de la lecture, ou de la non-lecture. Parce que parcourir un livre ou ne pas le lire (et en parler) n’est pas une remise en question de notre aptitude à être soi, au final. Elle peut même devenir le terreau d’une créativité se nourrissant de notre imaginaire fait de quelques chemins balisés, mais aussi de beaucoup de simples indices chuchotés à notre esprit. A charge pour nous, à travers notre histoire, notre vécu, de se libérer du poids de nos carcans. Mais ai-je (bien) lu Pierre Bayard ?
14 commentaires:
eh eh, depuis le temps que je lui tourne autour, celui-là, je sens que je vais aimer le lire (et en parler ?)
Tu m'as doublée ! J'avais prévu de faire un post sur le livre de Bayard avec la même chute. J'aurais du en parler avant de le lire ;-)
< Amanda : c'est vrai que ça n'est pas le genre de livre qu'il faut lire fatigué... faut le bon timing et la "danse-du-autour" que tu pratiques à merveille on dirait...
< Emma : Preum's ! Ouais, ce doit être parce que je double dans les virages...
le dernier livre que je n'ai pas lu mais que je devais lire pour le scolaire est "le rouge et le noir", je me suis contentée de lire le résumé "spécial scolaire" pour disserté dessus, j'ai quand même eu une super note, ai-je donc de l'imagination ? O j'aimerai y croire... :)
Voilà un livre que j'ai noté depuis longtemps mais bizarrement il est assez difficile à trouver, en tout cas il n'est pas dans ma bibliothèque préférée.
Ton billet me donne encore plus envie de le lire, va falloir que je me décide à l'acheter !
J'ai lu votre billet avec plaisir. Vous avez raison d'insister sur cette culpabilité, qui remonte probablement au lycée et aux horribles fiches de lecture. J.L. Borges, lui, encourageait ses étudiants à refermer pour dix ans tout livre qui les ennuyait "C'est à le lire". Et il avait raison : il est ainsi des rendez-vous tardifs délicieux. Ah, si Borges avait pu être inspecteur de l'éducation nationale !
Une ligne a sauté, désolé, et c'est dans la phrase de Borges, encore plus désolé : il fallait lire :
"C'est que vous n'êtes pas encore prêt à le lire"
< Wic' : curieusement, en son temps, je m'étais contenté du "Noir et le rouge" de... Catherine Nay. Pas vraiment la même crémerie.
< Fab' : difficile à trouver ? Ah bon ? Je ne pense pas, non.
< Georges : j'ai mis longtemps avant de me dire que certains livres dits "Classiques" n'étaient pas pour moi... Une sorte de culpabilité, en effet.
Et en plus Pierre Bayard est un prof plein d'humour et de bienveillence pour ses étudiants, et qui sait aussi très bien les accompagner dans la lecture (j'ai notamment un grand souvenir de 4 semestres consécutifs passés à lire Proust avec lui)
Euh... j'aimerais préciser que je suis au courant que "bienveillance" prend un a sinon on va coire que j'ai eu des profs sympas mais qui ne m'ont pas appris grand chose...
< Levraoueg : chuuuuuutttt, on n'avait rien vu... nan nan.
Ce bouquin semble très intéressant, dites donc! Merci de me l'avoir fait découvrir! Ajouté à ma liste :-)
Bonjour LVE, comme je l'ai dit dans mon (mini) billet du 16 mars 2007, dans ma conclusion, l'essai de Pierre Bayard donne surtout envie de relire les quelques romans évoqués. C'est peut-être ce qu'il voulait faire. Bonne journée.
Je note avidement, il me semble avoir déjà lu ou entendu quelque chose sur ce livre, mais là, c'est presque urgent, il me e faut!
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