samedi 1 septembre 2012

Lectures d'été : Jauffret, Gendron, Férey, Shteyngart, Auster et Tesson...


Blog en friche. Blog à défricher. Il y a maintenant quelques mois que je n'ai pas œuvrer en ces lieux pour vous parler lecture. Qu'à cela ne tienne, vacances terminées pour moi, voici les livres qui m'ont accompagnés pendant cette période. Et cela commence par un choc, un coup de poing, comme on veut. "Claustria " de Régis Jauffret (Editions du Seuil) n'a pourtant rien d'un livre de vacances...S'appuyant sur l'histoire vraie de Josef Fritzl, tortionnaire et violeur de sa propre fille enfermée dans la cave familiale dans une petite ville d'Autriche pendant... 24 années, Jauffret prévient d'entrée "ce livre n'est autre qu'un roman, fruit de la création de son auteur". On plonge dans l'horreur où se mélangent claustrophobie, la "vie" au jour le jour, viol, humiliation, "petits bonheurs", naissances... Le lecteur, tour à tour, étouffe, se fascine, se perd, dégueule, tente de comprendre les ressorts de cette vie pour (presque) rien pendant que l'auteur trace la route de son texte froid qui nous prend par la main pour nous emmener avec lui dans cette cave humide, glaciale et brûlante au gré des saisons. Déjà aux prises avec un fait divers avec son livre "Sévère" (Editions du Seuil), Régis Jauffret signe là un roman immersif époustouflant.

Pour se remettre de ce voyage dans l'horreur "humaine", Sébastien Gendron et son "Quelque chose pour le week-end" (Editions Baleine) a les atouts pour se replonger dans la légèreté du polar un peu branque. Située dans une petite ville anglaise du bord de mer, l'action mélange drogue, pingouins envahisseurs, chantage et petits meurtres entre gens de (très) bonne compagnie avec un ton et un humour qui n'est pas sans rappeler l'univers cinématographique des frères Ethan et Joel Coen. Il y a là matière à franchement rigoler avec un roman iconoclaste d'un auteur dont je suis fan depuis "Le Tri sélectif des ordures"" en 2008 ou encore "Taxi, take off & landing" en 2010. Et une bonne poilade par les temps qui courent...

Ces temps qui passent alors que l'oubli est impossible. Après nous avoir fait "visiter" l'Afrique du Sud avec "Zulu" et la Nouvelle-Zélande avec "Haka", l'auteur a déposé cette fois son sac en Argentine avec "Mapuche" (Série Noire Gallimard). S'imprégnant de l'histoire contemporaine du pays, Caryl Férey livre un thriller extrêmement bien documenté mettant en scène un avocat des causes perdues enquêtant avec une jeune artiste sculptrice sur l'assassinat d'un travesti. On plonge alors dans la patrie de Maradona où se mêlent les souvenirs et les conséquences de la dictature militaires des années 70, dans les affres politico-friquées d'années de plomb où tortures, viols et vol de bébés étaient monnaie courante. L'auteur entraîne le lecteur dans une enquête qui n'est pas seulement celle d'un meurtre, mais la recherche d'une rédemption de tout un pays traumatisé par son Histoire, cette indispensable course à la mémoire, à la compréhension et à la justice des hommes qui ont oublié leur humanité. L'implacable scénario de ce roman n'échappe pas, parfois, aux clichés amoureux, mais il n'en est pas moins un témoignage poignant et indispensable d'une dictature qui a laissé en Argentine des plaies pas encore cicatrisées. Un livre d'Histoire et un thriller passionnant.

Plus passionnant, en tout cas, que "Absurdistan" de Gary Shteyngart (Editions Points). Cet auteur américain né en Russie (Leningrad) nous livre une histoire un peu bordélique qui voit le fils d'un parrain de la mafia russe installé aux États-Unis coincé en Russie parce que son père vénéré par toutes les crapules locales a assassiné un homme d'affaire américain. Sur place, perdu, le fils découvre un pays exsangue, en pleine révolution, où ses rencontres rivalisent de couardises, de mensonges et autres trafics aussi bien d'amour, d'armes, que d'espèces sonnantes et trébuchantes. Le lecteur s'y perd un peu, ne sachant pas très bien à quoi tout cela rime. Le personnage principal sombre peu à peu, souvent naïf, dans un pays qu'il ne comprend pas. On s'ennuie un peu de cette débauche caricaturale de sentiments exacerbés, de ces bras qui moulinent pour une histoire qui se voudrait iconoclaste et qui n'entraîne le plus souvent que bâillements un peu bruyants.


Tout le contraire de "Sunset Park" de Paul Auster (Actes Sud). Après le remarquable "Invisible", l'auteur m'a une fois encore conquis avec cette errance maladive de Miles, son "héros". Se sentant coupable de la mort de son demi-frère, il a tout quitté, jusqu'à lui-même. Posant ses valises au gré du hasard, il posera des coins de sa vie dans des villes loin de chez lui avant de sentir, une fois amoureux pour de bon, le besoin de revenir à New York expliqué sa disparition à son père et sa mère, une star du cinéma et du théâtre. Auster nous trimballe comme il sait si bien le faire dans l'âme de ses personnages. Au gré des chapitres, il nous présente les ressorts de chacun, les manques, les ambitions, les abandons... Un père, une mère. Mais aussi les locataires d'un même immeuble qu'ils squattent. Ils sont le reflet d'une humanité qui se cherche, d'un désespoir devant les sourires de façade. En brossant ces portraits-là, l'auteur s'ingénie encore et encore à tenter d'expliquer ce qui ne l'est pas forcément toujours. Ces touches miraculeuses de vérité, ou ce qui s'en approche, rendent ce roman à la fois passionnant et émouvant. Ce voyage intérieur, sans esbroufe, cache cet impérial besoin d'être soi le moins mal possible. Une véritable réussite !...

Enfin, direction la Russie (encore !) avec Sylvain Tesson pour "Dans les forêts de Sibérie" (Gallimard). L'homme a décidé pendant six mois de vivre dans une petite bicoque au bord du lac Baïkal, et rien d'autre. Ou plutôt si, accompagné de bouteilles de vodka (beaucoup), de cigares et surtout d'une pile de livres, l'auteur narre son périple au jour le jour, loin de tout, surtout des gens. Cette solitude voulue est ainsi le prétexte à un retour au source. Celle de l'Homme confronté à une nature libre et brutale, parfois agressive, souvent belle, qui ne se perd jamais dans les fioritures. A la recherche de lui-même, Sylvain Tesson raconte ses journées où se mêlent la dureté du temps qui passe, la lecture, l'alcool, le pragmatisme de la survie et contemplation des moments beaux. Du fond de son exil, l'auteur oublie son passé de citadin occidental pour se consacrer aux tâches ingrates du jour et écrit son journal intime qui n'est plus que son seul compagnon. Au final, Sylvain Tesson vit sa solitude comme une bouée de sauvetage. Curieusement, il ne raconte pas tant que cela les mauvais moments, les galères, les baisses de moral, comme si ce voyage intérieur était une simple expérience ponctuelle qui trouvera son épilogue avec le retour à la "civilisation". Étrange sensation que celle du lecteur qui a en refermant le livre le sentiment d'avoir assisté à un voyage sponsorisé, presque trois étoiles... Un trois étoiles au normes locales, certes.

1 commentaire:

Stephie a dit…

Ferey et Auster sont sur ma PAL, cool ;)