samedi 19 novembre 2011

"Corinne Luchaire, un colibri dans la tempête" de Carole Wrona - Editions La Tour Verte

Corinne Luchaire a 17 ans en 1938 lorsqu'elle balbutie sa carrière d'actrice avec un premier et énorme succès, "Prison sans barreaux" réalisé par Léonide Moguy. Elle a aussi 19 ans en 1940. Elle est surtout la fille de Jean Luchaire, grand patron de presse collaborationniste qui sera jugé, condamné à mort à la Libération puis fusillé en février 1946...

Émerveillée par les lambris des palais qui s'ouvrent à elle, elle s'étourdit de paillettes. La vie est facile pour une jeune femme inconséquente et parfois superficielle qui n'est qu'indifférence face au monde en train de vaciller dans les ténèbres pour quelques années encore. A l'heure où certains "enfants" de son âge sont dans le maquis ou quémandent le bonheur simple d'être de leur âge , Paris est sous Occupation allemande. La famille Luchaire s'arc-boute sur ses quelques privilèges, festoie, convaincue que la paix et l'entente avec l'ennemi valent mieux que toutes les guerres. Dans ces troubles, c'est le Tout-Paris artistique, journalistique et politique que Corinne Luchaire côtoie de son jeune âge. L'envie folle de vivre ses 20 ans, de se perdre dans le tourbillon d'une célébrité naissante qui lui feront enchainer quelques films seulement, sept en tout entre 1938 et 1940 ( dont "Conflit", "Le déserteur", "Le dernier tournant", "Cavalcade d'amour" et "L'intruse" sorti en France en 1943). Frappée d'indignité nationale, elle mourra de tuberculose alors qu'elle n'aura pas encore 29 ans.

Carole Wrona excelle dans la description de cette période artistique étrange que finalement peu de livres de cinéma évoquent. Le voyage dans ce passé est l'histoire d'une jeune femme qui n'a que son rêve en poche : devenir une star du 7ème Art. En véritable historienne, et parfois en romancière qui s'imagine les pensées de l'actrice, l'auteur de ce livre très documenté ne condamne ni ne juge son "héroïne" perdue, dont le physique atypique de grande blonde effilée traverse l'écran comme un diamant à travailler. C'est avec un talent encore maladroit que Corinne Luchaire séduit les critiques, fait les couvertures de magazine spécialisés, et attire les spectateurs qui ont besoin chaque jour de sortir de leurs torpeurs. Pour le lecteur, toutefois, le trouble est insistant : un destin romanesque et cinématographique, certes, mais Corinne Luchaire était-elle une grande actrice ? Restera-t-elle dans les mémoires indépendamment de ses errements ? L'Histoire, celle du cinéma cette fois, a tranché.

Aucun commentaire: