mardi 7 décembre 2010

"Moi comme les chiens" de Sophie Di Ricci - Editions Moisson Rouge



Alan, la vingtaine à peine, quitte du jour au lendemain le cocon familial où il ne se sent plus du tout chez lui. En deux pages du livre seulement, il atterrit dans le monde glauque de la galère, de l'errance, de la prostitution masculine et du chacun pour sa gueule où il navigue peut-être moins mal que les autres. Choc frontal avec un monde en marge où Alan croisera deux oiseaux de malheur, les drogues dures, les mecs qu'il pigeonne habilement, les branquignols du coup de poing mortel et le Hibou, ce gars étrange qui pourrait quasiment être son père, et dont les seules motivations semblent être celles de se taper Alan. Comme si tout était aussi... simple.

Pas la peine de tourner autour du pot, Sophie Di Ricci ne nous épargne pas grand chose de cet enfer. Elle a évacué les raisons et les explications pour uniquement se consacrer aux affres quotidiennes d'un improbable couple d'hommes qui ne se comprend pas, ou plutôt qui se comprend mal, ou trop tard. L'auteur décline méthodiquement son histoire, sans enjoliver l'action d'un style qui ferait passer la très amère pilule pour un aimable sucre d'orge. Le scénario n'a rien ici de spectaculaire ou surprenant, il est téléphoné de bout en bout, cherchant coûte que coûte à retranscrire ces tranches de vie rances, vécues comme une inexorable chute que personne ne pourra empêcher. Le sort en est jeté, la lutte n'est plus possible contre ces impasses de vie. Seule la vengeance deviendra dès lors le moteur des carcasses aux abois.

Dans "Moi comme les chiens", le lecteur est un peu voyeur de ce monde si lointain. Il reste avec cette impression brutale d'un documentariste immergé dans un univers avec ses personnages dont il n'a pas les clés du cerveau. Témoin, comme résignée, Sophie Di Ricci accompagne l'inhumanité de ses "héros". Alan n'est plus dès lors qu'un fait divers. Et avec 336 pages, c'est parfois un peu long du fait divers...

Livre reçu en Service de presse après avoir été sollicité par l'éditeur Moisson Rouge

3 commentaires:

Ys a dit…

Voyeur n'est pas une position qui me plait... y a-t-il une analyse ?

LVE a dit…

< Ys : non, pas d'analyse. Comme je le dis dans la chronique, elle a évacué du livre les raisons et les explications... L'auteur colle aux basques de ses personnages.

Purple Zozo a dit…

Un autre avis sur lelitteraire.com :

http://www.lelitteraire.com/article4150.html

J'ai lu ce livre en un jour, je n'ai pas trouvé qu'il était voyeuriste. Simplement la fille ne fait pas la morale.